
Précisions jurisprudentielles quant au fondement de la taxation des dons manuels : article 757 ou 784 du CGI ?


Publié le 04.06.2025
L'article 757 du CGI dispose que les actes renfermant la déclaration ou la reconnaissance judiciaire d'un don manuel sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit et que ces droits sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement.
D'autre part, l'article 784 du CGI prévoit que les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s'il existe des donations antérieures consenties à un titre quelconque aux donataires ou héritiers, et que la perception est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n'a pas encore été imposée comme inclus dans les tranches les plus élevées de l'actif imposable.
De ces deux textes il résulte que le don manuel n'est pas obligatoirement imposé lors de sa réalisation mais qu'il le devient en cas de décès, si le donataire est héritier, ou à l'occasion d'un acte authentique de donation consentie au bénéficiaire du don manuel.
Une personne avait bénéficié d'un don manuel consenti par son grand-père avant de bénéficier, de la part de ce dernier, d'une donation de biens immobiliers, donc nécessairement constatée par un acte enregistré, sans que le don manuel ait été déclaré à ce moment. Il ne devait être révélé à l'administration qu'à l'occasion d'une procédure de régularisation des avoirs détenus à l'étranger, ce qui a entraîné une imposition de ce don manuel sur le fondement de l'article 757 du CGI.
Le donataire contestait l'avis de mise en recouvrement au motif que l'imposition était fondée sur l'article 757 et non sur l'article 784 du CGI. Or cette différence de référence textuelle entraînait un écart dans l'évaluation car l'article 784 du CGI aurait conduit à l'évaluation des biens donnés manuellement à la date de la donation des biens immobiliers à l'occasion de laquelle ils auraient dû être imposés, alors que l'article 757 du CGI conduisait à les imposer pour leur valeur au jour de la révélation. On peut supposer que le don manuel portait sur des parts sociales qui, entre 2010, date de la donation à l'occasion de laquelle ils auraient dû être imposés, et 2014, date à laquelle le don a été révélé à l'administration, avaient vu leur valeur augmenter.
La cour d'appel avait donné raison à l'administration et la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond. Les Hauts magistrats civils considèrent en effet que le contribuable n'ayant pas rapporté (au sens du rapport fiscal) le don lors de la donation des biens immobiliers, les dispositions de l'article 784 du CGI ne pouvaient s'appliquer, et que seul l'article 757, entraînant une taxation sur la valeur au jour de la révélation, pouvait s'appliquer.
Cass. com., 2 avr. 2025, n° 23-15.834, n° 195 D - Site EditionsLégislatives 06/05/2025