
Marchés fonciers ruraux 2024 : un repli confirmé et des tensions maintenues


Publié le 12.06.2025
La Fédération nationale des Safer a publié son analyse annuelle des marchés fonciers ruraux. Après une année 2023 marquée par l’entrée en vigueur du contrôle « Sempastous » et une alerte sur la consommation masquée des terres agricoles, 2024 confirme le recul des marchés, mais révèle aussi des évolutions différenciées selon les segments.
Un repli marqué pour les terres agricoles
Le marché des terres et prés poursuit sa contraction :
- - 5,9 % de transactions
- - 5,2 % d’hectares échangés
- - 17,7 % en valeur
En deux ans, les volumes se sont nettement rapprochés des niveaux d’avant-Covid. Seuls les prix tiennent :
- 6 400 €/ha en moyenne pour les terres libres (+3,2 %)
- 5 220 €/ha pour les terres louées (+2 %)
Les zones de grandes cultures restent les plus valorisées, les zones d’élevage bovin les moins chères. Ce maintien des prix dans un marché en repli traduit la rareté persistante du foncier à vocation agricole.
Les acheteurs non agricoles continuent leur progression
Les personnes physiques non agricoles sont en hausse : + 6,2 % en nombre et + 6,3 % en surface. À l’inverse, les agriculteurs — qu’ils soient personnes physiques ou sociétés — réduisent leurs acquisitions.
La tendance observée en 2023 se confirme : les terres agricoles continuent à changer de main, mais de plus en plus souvent au profit de profils extérieurs au monde agricole. Un phénomène toujours qualifié de consommation masquée du foncier agricole.
Le marché viticole en phase d’ajustement
La viticulture, touchée par une faible récolte due au mildiou et aux aléas climatiques, voit ses prix reculer pour la plupart des AOP (- 3,9 % hors Champagne). La valeur moyenne des vignes en AOP s'établit à 176 400 €/ha (- 1,1 %), les vignes à eaux-de-vie chutant à 51 100 €/ha (- 9,8 %), et les vignes hors AOP à 13 800 €/ha (- 7 %).
Le volume de transactions se stabilise (+ 0,1 %), tandis que la valeur globale recule à 1,11 milliard d’euros (- 4,8 %).
Une reprise pour les forêts et les maisons à la campagne
En rupture avec le reste du marché, les forêts connaissent une reprise soutenue :
- + 4,8 % de transactions
- + 1,6 % de surface
- + 2,2 % de prix, à 4 850 €/ha
Les grands massifs (plus de 100 ha) tirent cette dynamique. La demande reste soutenue, notamment de la part de personnes morales privées.
Côté immobilier rural, le marché des maisons à la campagne se stabilise après deux années de recul. Les ventes progressent (+ 3,4 %) alors que les prix baissent légèrement (- 3,4 %, à 195 000 €). À noter : l’âge moyen des acheteurs recule pour la première fois depuis 2019, porté par la baisse des taux d’intérêt.
Un ralentissement historique de l'urbanisation
Le marché des terrains constructibles confirme son net ralentissement :
- - 24,3 % de transactions
- 19,4 % de surface
- - 10,9 % en valeur
Avec 10 400 ha échangés, ce segment atteint un plancher inédit depuis 30 ans. La baisse s’explique par la montée en charge des objectifs « Zéro artificialisation nette », l’inflation et des stratégies d’achat plus prudentes.
Un marché sociétaire en croissance discrète
Le marché sociétaire progresse avec 8 530 déclarations (+ 3 %) pour 955 500 ha et 3,45 milliards d'euros concernés.
Les cessions de parts représentent plus de 90 % des opérations, dont 69 % au sein des familles. Les cessions à des tiers restent minoritaires (24%). Ce marché, bien que moins visible, participe à la restructuration en profondeur de la propriété agricole.
Une recomposition silencieuse
L’année 2024 confirme les tendances engagées en 2023. Si l’artificialisation ralentit, la pression sur les terres agricoles reste forte. L’augmentation continue des achats par des non-agriculteurs, la montée du marché sociétaire et la stabilité des prix malgré le recul des volumes sont autant d’indicateurs d’un changement structurel.
Pour les professionnels du droit, ces évolutions appellent à une vigilance renouvelée dans l’analyse des usages, des profils d’acquéreurs et des formes de détention.
Groupe Safer, Les marchés fonciers ruraux en 2024, 22 mai 2025
Site EditionsLégislatives 05/06/2025