L'agriculture biologique de l'UE sur la mauvaise pente ?
Publié le 31.10.2024
Dans un rapport spécial, la Cour européenne des comptes s'est penchée sur l'efficacité du soutien de l'UE à l'agriculture biologique.
Le constat est sévère. La stratégie actuelle comporte des faiblesses importantes et il n’existe ni vision ni objectifs pour le secteur biologique au-delà de 2030. Les milliards d’euros alloués chaque année par l’UE ont certes permis d’accroître la superficie des terres cultivées de manière biologique. Mais trop peu d’attention est portée aux exigences et aux besoins du secteur. En conséquence, le bio reste un marché de niche, et pour les auditeurs, l’UE pourrait bien rater le coche.
Absence d'objectifs chiffrés et d'indicateurs de résultat
La Cour constate des lacunes dans le cadre stratégique pour la politique de l’UE en faveur du secteur biologique.
Elle estime qu'il lui manquait des éléments importants dans les plans d’action de l’UE dont se sert la Commission pour définir la stratégie relative au secteur biologique. Bien que le plan actuel constitue une amélioration par rapport au précédent, il ne prévoit toujours ni valeurs cibles quantifiables pour les objectifs et les actions définis, ni moyens de mesurer les progrès accomplis.
Le seul objectif pour le secteur, à savoir consacrer 25 % des terres agricoles à l’agriculture biologique, est non contraignant et vise uniquement l’accroissement de la superficie. Il n’existe aucune stratégie ni valeur cible pour le secteur biologique au-delà de 2030.
Remarque : en 2022 (dernière année disponible), environ 17 millions d’hectares étaient cultivés en agriculture biologique au sein de l’UE, ce qui correspond à 10,5 % de la superficie agricole utile totale.
Une mise en œuvre hétérogène selon les États
La Cour souligne que l’ampleur du développement de l’agriculture biologique et les ambitions en la matière varient considérablement d’un État membre à l’autre. Bien que tous les pays de l’EU-27 sauf trois, disposent désormais de plans d’action pour l’agriculture biologique, ceux-ci risquent de ne pas être suffisants pour atteindre l’objectif de 25 % d’ici à 2030 fixé par l’UE. Pour ce faire, le taux de croissance annuel actuel de l’agriculture biologique devrait doubler. Dans les États membres où le secteur biologique est peu développé, les plans d’action nationaux sont susceptibles de jouer un rôle clé dans son essor. Toutefois, leur mauvaise qualité affaiblit leur impact.
Par ailleurs, le soutien de l’UE à l’agriculture biologique se fonde sur les bénéfices environnementaux attendus, mais ceux-ci ne sont pas toujours garantis. Les règles régissant l’agriculture biologique n’ont pas été appliquées de manière cohérente dans les quatre États membres analysés - Roumanie, Pologne, Autriche, Italie - en particulier en ce qui concerne la rotation des cultures et le bien-être animal. Alors que l’intégration des principes volontaires de l’agriculture biologique dans les dépenses de l’UE pourrait renforcer les bienfaits sur l’environnement, les États membres n’ont que rarement adopté cette démarche.
Les surfaces au détriment des besoins du marché
La politique agricole commune est la principale source de financement du développement de l’agriculture biologique dans l’UE. Or, la Cour constate que, bien que ce soutien ait permis d’accroître la superficie des terres cultivées selon le mode de production biologique, l’intégration dans les dépenses de l’UE des objectifs environnementaux et de marché de la politique en matière d’agriculture biologique reste problématique.
En effet, la politique de l’UE en matière d’agriculture biologique vise notamment à produire une grande variété de denrées alimentaires pour approvisionner le marché en produits durables. Un marché bien développé incite davantage les agriculteurs à se convertir à l’agriculture biologique et crée les conditions propices à une croissance à long terme. Les États membres n’ont pas suffisamment bien ciblé le financement de la PAC de sorte à renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur et à développer davantage le secteur biologique.
Un soutien de l'UE impossible à évaluer
La Commission européenne assure le suivi des dépenses de l’UE consacrées à l’agriculture biologique et de l’étendue de la superficie faisant l’objet d’un soutien. Or, l’impact de ce soutien ne peut être évalué car les outils existants ne sont pas adaptés à leur finalité. Par ailleurs, la Commission ne dispose pas de données sur la manière dont les dépenses de l’UE contribuent à soutenir le développement du secteur biologique pris dans sa globalité (au-delà de l’agriculture biologique), notamment du fait que moins de données sont collectées depuis 2021.
Bilan et recommandations
En conclusion, la Cour estime que, d’une manière générale, les politiques nationales et de l’UE en faveur du secteur biologique présentent des lacunes. Les fonds de la PAC ont été utilisés pour accroître la surface cultivée selon le mode de production biologique, sans tenir suffisamment compte des objectifs environnementaux et de marché fixés dans la politique de l’UE en matière d’agriculture biologique. L’impact de cette politique n’a pas pu être évalué en raison de problèmes liés aux données.
Sur le fondement du constat dressé par la Cour, celle-ci recommande à la Commission les mesures suivantes :
- renforcer le cadre stratégique de l’UE pour le développement du secteur biologique, en établissant un moyen de mesurer les progrès accomplis et en définissant une vision au-delà de 2030 ;
- mieux intégrer les objectifs environnementaux et de marché dans le soutien de la PAC et mieux cibler les fonds de l’après-2027 de sorte à développer le secteur biologique ;
- veiller à la disponibilité de données pertinentes pour évaluer le développement de l’agriculture biologique et son incidence sur l’environnement et le climat en utilisant plus efficacement les outils et les informations existants.
https://revuefiduciaire.grouperf.com/article/4055/hb/20240917152759305.html#5-9
Site EditionsLégislatives 08/10/2024
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