
Rémunération de l'indivisaire pour son industrie : consécration d'un droit autonome, même sans chiffrage immédiat


Publié le 12.09.2025
Deux anciens partenaires de pacte civil de solidarité avaient acquis en indivision plusieurs biens immobiliers pendant leur vie commune. À l’issue de la dissolution du PACS, intervenue en 2015, la liquidation de leurs intérêts a soulevé un différend relatif à la reconnaissance d’une créance de l’un d’eux au titre de son industrie. L’intéressé faisait valoir avoir personnellement réalisé des travaux d’amélioration sur les biens indivis, en produisant une estimation architecturale des interventions réalisées. La cour d’appel de Rennes a rejeté sa demande, estimant que la créance n’était ni déterminée ni déterminable. Le demandeur s’est pourvu en cassation.
Le litige portait sur la possibilité pour un indivisaire d’obtenir judiciairement reconnaissance d’une créance fondée sur son activité personnelle, sans que le montant de cette créance soit encore précisément établi, mais alors que l’existence de l’activité déployée au bénéfice de l’indivision était acquise.
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel au visa de l’article 815-12 du code civil, en réaffirmant que l’indivisaire ayant contribué, par son industrie personnelle, à la conservation ou à l’amélioration des biens indivis a droit à rémunération, dans les conditions fixées à l’amiable ou, à défaut, judiciairement.
Elle reproche à la cour d’appel d’avoir refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations : le principe même de l’activité personnelle de l’indivisaire sur les biens indivis n’était pas contesté. Dès lors, le rejet de sa demande au seul motif que la créance n’était pas chiffrée ni déterminable en l’état des pièces produites – alors qu’une estimation d’architecte figurait au débat – constitue une violation du texte susvisé.
Ce raisonnement s’inscrit dans un courant jurisprudentiel constant, selon lequel un indivisaire peut obtenir rémunération pour l’activité personnelle qu’il a déployée au profit de l’indivision, même en l’absence de convention préalable ou de mandat exprès, dès lors que cette activité a permis la conservation ou l’amélioration des biens indivis. La reconnaissance du droit à rémunération précède ainsi l’évaluation du quantum, laquelle peut intervenir ultérieurement, au besoin par voie d’expertise.
La créance d’un indivisaire au titre de son industrie s’analyse comme une demande de rémunération pour une activité personnelle utile à l’indivision. Elle se distingue des créances pour impenses ou avances de fonds, en ce qu’elle repose non sur des débours effectués, mais sur la contribution en travail, en technicité ou en gestion, pourvu que celle-ci ait bénéficié à la conservation ou à la valorisation des biens indivis.
En ce sens, l’arrêt apporte une clarification bienvenue sur la nature autonome de cette créance, qui n’est ni accessoire à un mandat, ni subordonnée à l’existence d’une convention d’indivision.
Cass. 1re civ., 2 juill. 2025, n° 24-11.196, n° 490 D - Site Editions Législatives 05/08/2025