
Qui s'installe en agriculture aujourd'hui ?


Publié le 12.09.2025
Le Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture a publié en juin 2025 une analyse issue du projet AgriNovo, visant à mieux connaître les profils des nouveaux installés agricoles. Fondée sur plus de 3 400 questionnaires auprès d’agriculteurs installés en 2018 et 2022, l’étude met en évidence la transformation profonde des parcours d’installation.
Si la socialisation familiale conserve un poids déterminant, l’étude confirme l’existence de cinq profils types.
Profil 1 : Les héritiers bien préparés (34 % des répondants)
Ce groupe reste le plus nombreux. Majoritairement masculins et jeunes (80 % ont moins de 35 ans à l’installation), ces agriculteurs reprennent quasi exclusivement l’exploitation familiale. Leur parcours est marqué par une forte socialisation professionnelle : travail précoce sur l’exploitation, formation agricole initiale, expériences salariées dans d’autres fermes.
Dans ce contexte, les juristes accompagnent surtout la sécurisation patrimoniale (donations-partages, sociétés agricoles) et l’optimisation successorale.
Profil 2 : Les héritiers sans vocation (22 %)
Ces installés, en majorité des femmes (61 %), sont également issus du milieu agricole, mais leur trajectoire est moins linéaire : 92 % ont exercé une autre activité avant de revenir vers l’agriculture. Faiblement socialisés au métier, ils s’installent parfois à la faveur du conjoint déjà agriculteur.
Ces situations mettent en lumière le rôle du statut du conjoint (collaborateur, associé ou salarié) et les difficultés liées à une installation tardive.
Profil 3 : Les reconvertis des classes moyennes (20 %)
Souvent issus d’un milieu urbain ou périurbain, ces installés rompent avec une carrière antérieure (employés, professions intermédiaires, commerçants). Ils créent le plus souvent leur exploitation (82 %), avec une forte orientation vers le maraîchage, le bio et les circuits courts. Leur âge d’installation est plus élevé (31 % ont plus de 40 ans).
Leurs projets s’accompagnent de formes d’organisation innovantes (AMAP, ventes directes, micro-fermes), posant des questions en matière de statut d’entreprise agricole, de fiscalité et d’accès aux aides, souvent conçues pour des parcours plus linéaires.
Profil 4 : Les classes populaires hors cadre familial (16 %)
Ce profil correspond à des personnes issues de familles ouvrières ou employées, souvent ancrées dans le rural, mais sans héritage agricole direct. Leur entrée dans le métier se fait surtout par la formation agricole initiale courte (CAPA, bac pro) et par l’expérience salariée. Ils reprennent rarement une exploitation familiale : l’installation est le plus souvent “hors cadre”.
Ces exploitants accèdent au foncier via le marché ou la location, ce qui renforce l’importance des règles du bail rural et du rôle des SAFER dans la régulation foncière.
Profil 5 : Les reconvertis et contre-mobiles des classes supérieures urbaines (8 %)
Ce profil regroupe des personnes très qualifiées (85 % diplômés bac + 5 ou plus), souvent issues de familles de cadres ou professions intellectuelles. Beaucoup occupaient des postes de cadres avant de s’installer. Leur installation traduit parfois une « contre-mobilité » : retour au métier agricole des parents après une carrière externe. Certains disposent d’un diplôme agricole de haut niveau (agronomie, gestion).
Ces exploitants mobilisent des capitaux financiers et sociaux importants, facilitant l’acquisition de terres et la création de sociétés agricoles. Ils s’orientent vers des exploitations diversifiées, parfois hybrides (tourisme, transformation). Les juristes doivent veiller à la cohérence des statuts (GAEC, EARL, sociétés civiles) avec des projets souvent atypiques.
Un droit rural à adapter
Cette typologie permet de dépasser la vision binaire héritiers / « non issus du milieu agricole » (NIMA). Les profils d’installés révèlent une pluralité de trajectoires sociales, une diversification des modalités d’accès au foncier et une évolution des configurations conjugales et professionnelles. Pour les juristes, le défi est donc double : sécuriser les transmissions familiales traditionnelles mais aussi accompagner des projets innovants, portés par des reconvertis ou des installés hors cadre, en veillant à adapter les outils juridiques (statuts, baux, aides publiques) à la diversité des parcours.
Min. agri., Analyse n° 215, juin 2025 - Site EditionsLégislatives 26/08/2025