


Qui prévoit la faculté de se substituer une société n'agit pas pour le compte d'une société en formation
Publié le 13.03.2025
Une personne physique s’engage à effectuer un apport en société dans le cadre d’un protocole d’accord qu’elle signe « tant pour son compte personnel que pour celui de tout tiers de son choix ». Après s’être substituée à ce signataire, une société opère l’apport et obtient l’agrément des associés. Cependant, une assemblée annule l’agrément au motif que la société apporteuse n’a pas été immatriculée. Quelques années plus tard, les associés de l’apporteuse, depuis immatriculée, décident de reprendre tous les actes souscrits durant sa formation. Les sociétés venant aux droits de la société bénéficiaire de l’apport s’y opposant, l’apporteuse saisit la justice pour voir déclarer repris les engagements souscrits.
La cour d’appel ayant rejeté cette demande, l’apporteuse fait valoir en cassation qu’il n’est pas établi que le protocole d'accord n'a pas été conclu au nom et pour le compte de la société en formation. Ils invoquent en filigrane le récent revirement de jurisprudence en matière de reprise des actes d’une société en formation. Précisément, ils soutiennent que « le juge doit apprécier, sans s'arrêter aux mentions formelles de l'acte et en procédant à un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation ».
La Cour rejette le pourvoi. Elle souligne, d’une part, que la cour d’appel a fondé sa décision sur l’examen du protocole et a relevé que ce dernier « avait été signé par M. [X], tant pour son compte personnel que pour tout tiers de son choix, qu'il se réservait la faculté de substituer ». Puis, elle relève, d’autre part, que la cour n’était pas tenue d’effectuer l’examen de l'ensemble des circonstances dès lors qu’il résultait « de façon claire et dépourvue d’ambiguïté ou d’équivoque que la commune intention des parties était que cet acte ne fût pas conclu au nom ou pour le compte d'une quelconque société en formation dépourvue à cette date de la personnalité juridique ».
L’arrêt apporte ainsi une précision utile. Certes, les juges saisis de litiges relatifs à la reprise des actes par une société en formation doivent, depuis le revirement du 29 novembre 2023, examiner les circonstances intrinsèques et extrinsèques de l’acte afin de déterminer si la volonté des parties était que l’acte fût conclu au nom ou pour le compte d’une société en formation. Toutefois, en présence d’un acte stipulant une clause de substitution en faveur d’un tiers, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que la commune intention des parties est que l’acte fût conclu par une quelconque société en formation. Dit autrement, la volonté que la société en formation puisse reprendre l’acte doit être caractérisée spécialement, une formule générique telle que « tout tiers », ne suffisant pas. Au demeurant, on peut estimer que, sauf circonstances exceptionnelles (existence d’actes contradictoires, par exemple), la mention principale d’un engagement pour « son compte personnel » permet à elle seule de couper court à tout débat, et l’arrêt peut aussi s’entendre en ce sens.
Il convient de souligner que la solution retenue n’empêche pas le fait que tiers se substituant au signataire soit une société. Simplement, cette dernière devra être immatriculée lors de la substitution.
Cass. com., 12 févr. 2025, n° 23-22.414, n° 90 F-B - L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 25/02/2025