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Le nu-propriétaire n'est pas tenu de veiller à l'entretien du bien par l'usufruitier

Le constat que l'usufruitier a laissé dépérir le bien, faute d'entretien, est suffisant pour prononcer la déchéance de l'usufruit.

L’usufruitier est tenu d’entretenir les biens soumis à l’usufruit (C. civ., art. 605), sauf s’il en a été dispensé par l’acte constitutif de l’usufruit. Il doit en jouir suivant l’usage auquel ils sont destinés, et les restituer dans l’état où ils se trouvent, sauf à prouver, en cas de détérioration, que celle-ci n’est pas due à son fait ou à celui des personnes dont il doit répondre (C. civ., art. 1342-5). Il doit, également, dans tous les cas, en conserver la substance (C. civ., art. 578).

Pendant le cours de l’usufruit, le nu-propriétaire peut le contraindre à effectuer les réparations d’entretien nécessaires à la conservation de l’immeuble (Cass. civ., 10 janv. 1859 : DP 1859, 1, 71), en exiger le remboursement (Cass. 1re civ., 21 mars 1962, n° 61-10.244 : Bull. civ. I, n° 175), ou l’obliger à réparer le dommage causé à la chose (Cass. 1re civ., 10 juill. 1963, n° 60-13.493 : Bull. civ. I, n° 383). Dans les cas les plus graves, il peut demander la déchéance de l’usufruit ou sa conversion en rente viagère (C. civ., art. 618).

Mais le nu-propriétaire est-il tenu de veiller à l’entretien de son immeuble, sans avoir à être informé par l’usufruitier de la nécessité des travaux à effectuer ? Peut-il obtenir la déchéance de l’usufruit, alors qu’il s’est abstenu de s’enquérir de l’état du bien ?

Tel était, en tout cas, le moyen de défense d’une usufruitière contre la décision des juges du fond prononçant la déchéance totale de son usufruit, après avoir constaté qu’elle avait laissé dépérir le bien par défaut d’entretien et de soin de telle manière qu’il était devenu à l’abandon et inhabitable, et que l’absence totale d’entretien pendant plus de 25 ans avait entraîné une importante détérioration du gros œuvre, notamment en raison d’inondations dont elle ne justifiait pas avoir averti les nues-propriétaires.

Cet argument n’a toutefois trouvé aucun écho devant la Cour de cassation. Selon les Hauts magistrats en effet, la simple constatation de l’abus de jouissance, caractérisé lorsque l’usufruitier a laissé dépérir le bien, faute d’entretien ou en le dégradant, suffit à justifier la déchéance de son usufruit.

Certes, le nu-propriétaire a, sous certaines conditions, le pouvoir d’agir à titre conservatoire et de prendre lui-même les mesures nécessaires à la conservation des biens faisant l’objet de l’usufruit (Cass. 1re civ., 4 avr. 1991, n° 89-17.351 : Bull. civ. I, n° 129 ; RTD civ. 1994, p. 387, obs. F. Zénati). Car en dépit de l’existence de l’usufruit, il demeure propriétaire du bien, et est donc en droit de se préoccuper de sa conservation.

Mais, en cette même qualité, il n’est pas tenu de s’intéresser à son bien, ni de prendre de telles mesures. Autrement dit, il a le droit de ne pas veiller à l’entretien de son immeuble. Il peut ne jamais s’enquérir de l’état du bien, ou décider de le faire après de très nombreuses années de désintérêt.

En revanche, l’usufruitier étant tenu d’entretenir le bien et d’en conserver la substance, il lui appartient de prendre les mesures nécessaires pour éviter le dépérissement du bien. A défaut, et selon la gravité de l’atteinte portée à la conservation du bien, il encourt la déchéance de son droit, même si le nu-propriétaire s’est lui-même abstenu de procéder aux travaux confortatifs.

Cass. 3e civ., 14 nov. 2024, n° 23-19.437, n° 610 D - Site EditionsLégislatives 16/12/2024

PR

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