
Le mode de calcul des retraites de base des non-salariés agricoles s'aligne sur celui du régime général


Publié le 02.10.2025
Le passage à un calcul sur les 25 meilleures années de carrière a été voté à l’unanimité par le parlement en 2023. La loi n° 2023‑87 du 13 février 2023 a assigné à la nation l’objectif de déterminer, à compter du 1er janvier 2026, le montant de la pension de base des non‑salariés des professions agricoles en fonction des 25 années civiles d’assurance les plus avantageuses.
L’article 87 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 procède à cette réforme. Il modifie le mode de calcul de la pension de base des exploitants agricoles, codifié dans le code rural et de la pêche maritime, pour faire partiellement application des règles du régime général, codifiées dans le code de la sécurité sociale.
Un régime fonctionnant sur la base du revenu annuel moyen dans lequel seules les 25 meilleures années seront comptabilisées
Le régime de base actuel des non-salariés agricoles sera, à terme, supprimé au profit d’un calcul des retraites de base sur les 25 meilleures années de revenus, selon le modèle du régime général et des régimes alignés (salariés du privé, salariés agricoles et non-salariés non agricoles). Ces 25 meilleures années seront retenues au titre de l’ensemble des régimes d’affiliation de l’assuré.
Ainsi, la nouvelle rédaction de l’article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime précise que, sous réserves de certaines adaptations prévues par voie réglementaire, les conditions de calcul, de liquidation et de service des pensions de retraite du régime général inscrites dans le code de la sécurité sociale (chapitres Ier à IV, VI et VIII du titre V du livre III du code de la sécurité sociale) s’appliquent aux non‑salariés agricoles, à l’exception de certaines dispositions relatives au taux et au montant de la pension prévues aux articles L. 351-10 et L. 351-10-1 du code de la sécurité sociale.
Concrètement, la pension de retraite de base des non-salariés agricoles est calculée en appliquant au revenu annuel moyen des 25 meilleures années (dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale), un taux dépendant de la durée d’assurance (50 % diminués, le cas échéant, d’une décote par trimestre manquant dans la limite de 20 trimestres), et un coefficient de proratisation (rapport entre le nombre de trimestres validés et le nombre de trimestres requis).
Il est précisé que les périodes d'interruption d'activité résultant de maladie ou d'infirmité graves ou de maternité empêchant toute activité professionnelle, ainsi que les périodes pendant lesquelles l'assuré a bénéficié de l'allocation des travailleurs indépendants privés d’emploi visée à l'article L. 5424-25 du code du travail sont considérées comme des périodes assimilées. Les conditions seront précisées par un décret en Conseil d’État. L’article L. 731-21 du code rural et de la pêche maritime est réécrit en ce sens.
Sont concernées les pensions de retraite prenant effet à compter du 1er janvier 2026.
Suppression des retraites forfaitaire et proportionnelle au profit d’une unique prestation basée sur le revenu
L’une des conséquences directes est la suppression de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle par points au profit d’une unique prestation, pour les années cotisées à compter du 1er janvier 2026. L’article L. 732‑24 du code rural et de la pêche maritime est réécrit en ce sens.
Cela se traduit par la suppression des cotisations d'assurance vieillesse de base AVA et AVI et la création d'une cotisation d'assurance vieillesse unifiée, assise sur une assiette minimale harmonisée. Comme le préconisait le rapport remis au parlement par l'Igas et le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) le 30 janvier 2024, sont conservées : l'assiette triennale et l'annualisation des cotisations (article 3 de la loi).
Mesures de convergences applicables au 1er janvier 2026
- Extension du bénéfice du complément différentiel (CD) de RCO aux non-salariés exerçant leur activité à titre secondaire
Le complément différentiel (CD) de points de retraite complémentaire (RCO) permet de porter la pension de retraite minimale des exploitants à 85 % du SMIC net agricole. Aux termes de l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime, peuvent, sous conditions, bénéficier d'un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire les personnes dont la pension de retraite de base servie à titre personnel prend effet à compter du 1er janvier 1997, dès lors qu’elles liquident leur pension à taux plein dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et qu’elles justifient de périodes minimales d'assurance (17,5 années d’assurance).
A compter du 1er janvier 2026, sont retenues non seulement les périodes accomplies en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre exclusif ou principal, mais également celles accomplies en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre secondaire.
- Extension du bénéfice de la pension minimale de référence (PMR) aux non-salariés exerçant leur activité à titre secondaire
La pension minimale de référence (PMR) permet de garantir un niveau minimal à la pension de retraite de base. Le montant minimum est calculé en tenant compte des périodes d'assurance accomplies à titre exclusif ou principal et, à compter du 1er janvier 2026, des périodes d’assurance accomplies à titre secondaire dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles (C. rur., art. L. 732‑54‑2).
- Exclusion des nouvelles pensions de droit propre et dérivé issues du cumul emploi retraite dans le calcul de la PMR et du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (CD de RCO)
Depuis le 1er septembre 2023, le cumul emploi retraite intégral permet d’acquérir de nouveaux droits à retraite au titre des régimes de base (CSS, art. L. 161-22-1-1). Ces nouveaux droits propres et dérivés sont non seulement sans incidence sur le montant de la pension de vieillesse résultant de la première liquidation, mais également sur le montant de la majoration de pension prévue à l’article L. 732‑54‑1 du code rural et de la pêche maritime et sur le montant du complément différentiel de RCO prévu à l’article L. 732‑63 du même code dont pourrait bénéficier l’assuré.
Extension du cumul emploi retraite générateur de nouveaux droits à pension au cumul emploi retraite sur dérogation préfectorale, au titre du maintien de l'activité à défaut de repreneur
Lorsqu’un exploitant se trouve dans l'impossibilité de céder, notamment dans les conditions normales du marché, son exploitation, il peut, aux termes de l’article L. 732-40 du code rural et de la pêche maritime, être autorisé par le préfet à poursuivre la mise en valeur de son exploitation sans que l'exercice de cette activité professionnelle fasse obstacle au service des prestations d'assurance vieillesse liquidées par un régime obligatoire. La poursuite de la mise en valeur de l’exploitation ne fait pas obstacle à la constitution de nouveaux droits à pension en application de l’article L. 161‑22‑1‑1 du code de la sécurité sociale, sous réserve que l’assuré justifie répondre aux conditions posées pour le cumul emploi retraite mentionnées aux quatrième à septième alinéas de l’article L. 161‑22 du même code.
- Alignement de la revalorisation des pensions de retraite de base
Comme pour le régime général et le régime des salariés agricoles, la revalorisation annuelle des retraites de base des non-salariés agricoles s’effectuera sur la base d’un coefficient égal à l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les 12 derniers indices mensuels de ces prix publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques l'avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées. Ce coefficient annuel de revalorisation est fixé au 1er janvier de chaque année CSS, art. L.161-23-1 modifié).
- Relèvement du plafond d'écrêtement tous régimes de la pension majorée de référence (PMR) au niveau de celui du minimum contributif (MiCo) pour les pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2026
Lorsque le montant de la majoration de pension de retraite de base prévue à l'article L. 732-54-2 du code rural et de la pêche maritime augmentée du montant des pensions de droit propre et de droit dérivé servies à l'assuré par les régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que les régimes des organisations internationales, excède un plafond, la majoration de pension est réduite à due concurrence du dépassement.
Le calcul de ce plafond change :
- pour les pensions prenant effet avant le 1er janvier 2026, il sera fixé et revalorisé dans des conditions prévues par décret (à paraître) ;
- en revanche, pour les pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2026, le plafond sera le même que celui pour l’attribution du minimum contributif (CSS, art. L. 173‑2, al 1°). Ce plafond est révisé dans les mêmes conditions que le Smic. A titre d’exemple, en 2025, une fois le montant minimum contributif versé, le montant total des retraites (de base et complémentaires) ne pourrait excéder 1 394,86 € par mois. Alors que le plafond d’écrêtement de la PMR est de 1 034,28 € mensuels (C. rur., art. L. 732-54-3).
Mise en place d’un régime transitoire
Cette réforme est pleinement applicable pour les non-salariés agricoles ayant démarré leur carrière agricole après 2016. En revanche, pour ceux ayant débuté leur carrière avant cette date, leurs revenus d'avant 2016 ne sont pas pris en compte car la CCMSA ne les a pas conservés.
- Afin de pallier la difficulté, un dispositif transitoire est mis en place.
Aux termes de l’article L. 732-24 du code rural et de la pêche maritime dans sa nouvelle rédaction, pour les personnes ayant été affiliées au régime des non-salariés agricoles avant le 1er janvier 2016, le montant de la pension de retraite tient compte du montant calculé selon les nouvelles dispositions (C. rur., art. L. 732-18) sur les bases des seuls revenus des années à compter du 1er janvier 2016 et de la part de retraite exprimée en points calculée « en fonction des montants, majorés au titre des périodes mentionnées au 1° de l’article L. 732‑21 du [code rural et de la pêche maritime], des cotisations acquittées, en application du 2° de l’article L. 731‑42 du [même code] dans sa rédaction antérieure à la [loi de financement de la sécurité sociale pour 2025] au titre des périodes d’assurance antérieures au 1er janvier 2016, en retenant un nombre d’années sélectionnées dans des conditions fixées par voie réglementaire ».
Autrement dit, une double liquidation est effectuée : sont prises en compte les 25 meilleures années de points acquis pour les périodes antérieures au 1er janvier 2016, et les 25 meilleures années de revenus postérieurs à cette date. Sauf exception, un coefficient de minoration pourra être appliqué si l’assuré ne justifie pas sur l’ensemble des régimes obligatoires d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes pour bénéficier du taux plein. Les modalités d’application feront l’objet d’un décret en Conseil d’État.
- Un système opérationnel en 2028
Conformément à la loi n° 2023‑87 du 13 février 2023, la réforme s’applique aux pensions liquidées à compter du 1er janvier 2026.
Toutefois, eu égard à la complexité de la mise en place de cette réforme liée notamment à l’adaptation des systèmes d’information de la CCMSA et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) pour le calcul des assurés polypensionnés, elle ne sera appliquée qu’à compter du 1er janvier 2028 mais avec un effet rétroactif au 1er janvier 2026.
Ainsi, il est prévu une clause de sauvegarde pour les pensions dues au titre du régime des non-salariés des professions agricoles prenant effet entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2027. Lors de cette période, les pensions seront liquidées selon les règles antérieures à la présente loi à l’exception des retraites proportionnelles dues au titre des périodes d'assurance antérieures à 2016 qui seront liquidées dans les conditions prévues à l’article L. 732-24 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la nouvelle loi (voir supra).
Puis, à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 mars 2028, les pensions versées pendant ces deux années (pour les seuls pensionnés ayant liquidé leur pension après le 1er janvier 2026) feront l'objet d'un nouveau calcul et la réforme appliquée rétroactivement.
Il ressort des rapports publiés lors des discussions de la loi au parlement que s'il apparaît que le montant de la pension après application de la réforme est plus favorable à celui calculé sur le droit antérieur, des rappels de pensions seront versés au pensionné et le montant de la pension sera révisé. En revanche, s'il apparaît inversement que la pension liquidée selon les règles nouvelles est moins élevée que celle obtenue en application du droit antérieur, le trop-perçu ne sera pas réclamé et le montant de la pension calculé sur le droit antérieur serait acquis définitivement.
Cette clause de sauvegarde ne s’applique pas aux dispositions de l'article L. 732-54-3du code rural et de la pêche maritime (voir supra).
Les gagnants de la réforme : les polypensionnés
L'étude d'impact joint à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 cite en exemple trois cas de polypensionnés sortant gagnants de la réforme :
- un salarié ayant gagné des revenus entre 1 et 2,5 Smic et exercé en qualité de chef d'exploitation pendant 10 ans avec des revenus fluctuants, dont certains atteignent 800 Smic. Le nouveau calcul des pensions permet la suppression de la prise en compte des années les moins avantageuses. Le calcul sur les 25 meilleures années de revenus améliore sa pension de 23 % ;
- un salarié ayant perçu en cette qualité un revenu égal à 0,5 du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) pendant 10 ans, puis un revenu égal à un Pass en qualité de chef d'exploitation, pour une durée non renseignée. Finalement, il bénéficie d’un gain de 4 % du montant de sa pension totale après la réforme ;
- un chef d'exploitation ayant perçu pendant 10 ans un revenu de 0,5 Pass puis pendant 15 ans un revenu équivalent à un Pass, puis achève sa carrière en tant que salarié avec ce même revenu. La réforme supprime les années les moins rémunératrices de sa pension de non-salarié agricole et améliore sa pension de 3 % en 2028.
L. n° 2025-199, 28 févr. 2025, art. 87 : JO, 28 févr. - Site EditionsLégislatives 05/03/2025