Accéder au contenu principal

Énergies renouvelables : la modification rétroactive des contrats de complément de rémunération est inconstitutionnelle

Le Conseil constitutionnel censure l'article 230 de la loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, ces dispositions portant une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. Afin de permettre au législateur d'en tirer les conséquences, la date d'abrogation de ces dispositions est reportée au 31 décembre 2025

Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 230 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition. En modifiant l’équilibre des contrats de complément de rémunération bénéficiant aux producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables, l’article 230 porte une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues.

L’objet de l’article 230 de la loi de finances pour 2024 

L’article 230 de la loi de finances pour 2024 prévoit le déplafonnement des avoirs des contrats de complément de rémunération bénéficiant aux producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Dans le cadre de ces contrats, les articles R. 314-48 et R. 314-49 du code de l’énergie prévoient le versement par EDF d’une prime aux producteurs lorsque le prix du marché auquel ils vendent leur production est inférieur au tarif de référence fixé par le contrat ou par arrêté. Elles prévoient, à l’inverse, lorsque le tarif de référence est inférieur au prix du marché, le reversement à EDF par les producteurs du montant correspondant à la différence entre ces deux prix, sous la forme d’une prime négative. Dans ce cas, est prévu un plafonnement du reversement de la prime négative à hauteur du montant total des aides perçues depuis le début du contrat au titre du complément de rémunération.

L’article 230 prévoit que, à compter du 1er janvier 2022, les producteurs d’électricité dont les contrats en cours intégraient un tel plafonnement sont tenus de reverser à EDF l’intégralité des sommes correspondant aux primes négatives.

Dans sa décision n° 2023-1065 QPC du 26 octobre 2023, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré l'article 38 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 qui se bornait à renvoyer à un arrêté ministériel le soin de fixer un prix seuil. En s'abstenant de définir lui-même ce prix, le législateur avait méconnu l'étendue de sa compétence (Cons. const., déc., n° 2023-1065 QPC, 26 oct. 2023 : JO, 27 oct.). L'article 230 de la loi de finances pour 2024 avait tiré les conséquences de cette décision en prévoyant un déplafonnement total du reversement de la prime négative et en supprimant la notion de prix seuil.

L’article 230 de la loi de finances pour 2024 est contraire à la Constitution 

Le Conseil constitutionnel relève que, en modifiant en cours d’exécution les modalités contractuelles déterminant le montant des reversements dus par les producteurs lorsque la prime à l’énergie mensuelle est négative, les dispositions contestées, qui affectent un élément essentiel de ces contrats, portent atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues.

Comme l’avait déjà relevé le Conseil constitutionnel, dans sa précédente décision, selon les travaux préparatoires de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en instituant un dispositif de complément de rémunération, le législateur a entendu soutenir la production d’électricité à partir d’énergie renouvelable en assurant aux producteurs une rémunération raisonnable des capitaux investis. Or la très forte augmentation des prix de l’électricité sur le marché à partir de septembre 2021, qui était imprévisible lors de la conclusion de ces contrats, a eu pour conséquence une augmentation considérable du profit généré par les installations de production d’électricité. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2023 que, en adoptant l’article 230, le législateur a entendu corriger les effets d’aubaine dont ont bénéficié, dans un contexte de forte hausse des prix de l’électricité, les producteurs qui ont reçu un soutien public, afin d’atténuer l’effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

Au regard de cet objectif, le législateur était fondé à supprimer, de façon rétroactive, le plafonnement des primes négatives reversées par les producteurs au cours d’une telle période de forte hausse des prix de l’électricité, dès lors que leur était garantie, en application de l’article L. 314-20 du code de l’énergie, une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés tenant compte des risques inhérents à leur exploitation jusqu’à l’échéance de leur contrat.

Toutefois, en dépit de cette garantie, les dispositions contestées ont pour effet de priver, jusqu’au terme de l’exécution de leur contrat, les producteurs d’électricité de la totalité des gains de marché dont ils auraient dû bénéficier, une fois reversées les aides perçues au titre du complément de rémunération, dans tous les cas où le prix de marché est supérieur au tarif de référence, que ces gains découlent d’une hausse tendancielle des prix de l’électricité ou d’une hausse imprévisible liée à une crise énergétique.

La date d’abrogation est reportée au 31 décembre 2025 

L’abrogation immédiate de ces dispositions aurait pour effet de permettre à de nombreux titulaires de contrats de complément de rémunération de contester le montant des reversements effectués à EDF. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives.

Afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de cette déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a décidé de reporter au 31 décembre 2025 la date de l’abrogation de l’article 230 de la loi de finances pour 2024.

Enfin, pour préserver l’effet utile de cette décision à la solution des instances en cours ou à venir, les juridictions saisies doivent surseoir à statuer jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2025 dans les procédures dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles.

Cons. const., déc., 24 janv. 2025, n° 2024-1119/1125 QPC : JO, 25 janv.

Actualités - Technique Site CSOEC 16/12/2024

Ces contenus peuvent vous intéresser

LF 2025 : alignement du régime des plus-values de cession d'une location meublée non professionnelle sur celui des loueurs professionnels

A compter du 15 février 2025, la plus-value de cession réalisée par un loueur en meublé non professionnel est majorée des amortissements pratiqués, même si l'investissement...
En savoir plus

Quel régime TVA pour les meubles vendus avec un bien immobilier ?

En savoir plus

Loi de finances pour 2025 : du nouveau dans la fiscalité des transmissions (rappel - précision)

Sont concernés, le taux des droits de mutation perçus sur les ventes d'immeubles, l'exonération de certains dons familiaux et les abattements applicables aux transmissions...
En savoir plus