


« Agir maintenant face à la raréfaction de l'eau à venir »
Publié le 07.05.2025
Pourquoi avoir mené une étude sur l’adaptation de l’Île-de-France à la raréfaction de l’eau ?
La Ville de Paris, la Métropole du Grand Paris et l’établissement public territorial de bassin Seine Grands Lacs souhaitent comprendre les impacts des sécheresses, dont la fréquence et l’intensité sont accrues par le changement climatique, explique Sophie Lavaud, analyste politique au sein du service Adaptation au changement climatique de l’OCDE.
Si l’étude menée par l’OCDE (2) fait un focus sur l’Île-de-France, ses conséquences concernent tout le bassin Seine-Normandie et les régions limitrophes. Par ailleurs, si l’Île-de-France subit une sécheresse sévère, on peut supposer que le reste du territoire national serait aussi concerné. Les pistes d’adaptation sont donc transposables.
Comment vont évoluer les besoins agricoles en eau ?
Outre la modification du climat, le développement socio- économique accentuera le risque de sécheresse à l’avenir. Concentrant près de 20 % de la population et un tiers de la production économique du pays, l’Île-de-France affiche une demande en eau importante. Bien que les prélèvements pour l'irrigation soient pour l’instant limités (3 % des prélèvements totaux), l’agriculture, qui occupe 50 % de la superficie, a vu ses besoins en eau plus que doubler depuis 2012. Ceux-ci devraient encore croître de 45 % d’ici à 2050 en raison d’une hausse, déjà constatée, des productions légumières et fruitières, et des surfaces irriguées. Ces besoins seront en partie liés à l’augmentation de la durée des sécheresses.
Quelles seraient les conséquences d’une sécheresse majeure ?
Une sécheresse sévère (s’apparentant à celles de 1921 et de 1976) pourrait coûter jusqu’à 2,5 milliards d’euros à l’économie francilienne, dont 218 millions pour les pertes de récoltes et jusqu’à quatre fois plus en considérant les effets en cascade sur l’industrie agroalimentaire. L’approvisionnement en eau potable étant prioritaire, des conflits entre usagers, dont les agriculteurs, franciliens, normands ou bourguignons puisant dans la même nappe pourraient également éclater.
Jusqu’à 150 jours de restrictions pourraient être décrétés. Par ailleurs, si le niveau des nappes est bas, la concentration des polluants, tels que des nitrates, augmente. Des zones de captage sont déjà fermées à cause de cette concentration élevée. En période de tension, il y a moins d’eau et celle-ci est de moins bonne qualité. Néanmoins, les quatre grands lacs réservoirs parviendraient à assurer des débits suffisants pour le transport fluvial sur la Seine et ses affluents.
Quelles pistes préconisez-vous ?
Réduire les prélèvements d’eau est prioritaire, même si ceux des ménages et du secteur agricole franciliens sont déjà inférieurs à la moyenne nationale. Des règles d’allocation de l’eau prenant en compte la rareté de la ressource à venir sont aussi à créer, afin d’éviter des situations d’interdiction d’irriguer.
Il faut aussi promouvoir les initiatives comme Aqui’Brie, association créée pour gérer collectivement la nappe du Champigny en Seine-et-Marne, dont le niveau diminuait, et réduire les prélèvements des habitants et des secteurs agricole et industriel. Lever les obstacles réglementaires et développer la réutilisation des eaux industrielles et eaux usées traitées, et la collecte des eaux de pluie pour l’irrigation d’espaces verts et agricoles, sont aussi une piste.
Les budgets existants – Europe, Agence de l’eau, Région...– pourraient être encore davantage fléchés vers des pratiques économes : goutte-à-goutte, sondes d’humidité des sols, cultures moins gourmandes... Les responsabilités doivent être partagées et les politiques des différents secteurs doivent s’aligner vers le même objectif de rationaliser l’utilisation de l’eau face à sa raréfaction.
(1) Organisation de coopération et de développement économique.
(2) OCDE, Adapter l’Île-de-France aux risques de raréfaction de l’eau, 2025.
Site LaFranceAgricole - Actualités 25/04/2025